Une jeune femme a été verbalisée lors d’un déplacement hors domicile pour un achat de serviettes hygiéniques. L’agent verbalisateur a considéré ce déplacement comme « non vital » sans doute mu par une définition bien à lui de la notion de « discernement »
Rappelons que le droit pénal a été modifié en urgence afin de contraindre les français à respecter le confinement. Nous regrettons que cette célérité confine à la précipitation : imprécisions des textes, abus d’autorité des forces de l’Ordre, raison pour laquelle il convient de rester particulièrement vigilant lorsque sous couvert d’urgence sanitaire on saisit l’opportunité de saper nos principes fondateurs et fondamentaux.
LA CREATION DE NOUVELLES INFRACTIONS
Parmi les infractions créées visant à enrayer l’épidémie figure l’infraction de déplacement en dehors du cadre strictement nécessaire et limitativement énuméré par les décrets. Tout individu se déplaçant à l’extérieur de son domicile sans motif valable, ou non muni de son attestation pour justifier du motif de son déplacement, peut être sanctionné.
Afin de permettre une surveillance efficace du respect du confinement, les manquements peuvent être constatés par PV par des agents municipaux, en plus des agents de police judiciaire normalement habilités.
Un mécanisme graduel de peines a été prévu :
1er manquement Contravention : Amende forfaitaire de 135 € (majorée à 375 € en cas de non-paiement dans les 45 jours). /!\ Aucun placement en garde à vue possible
2ème manquement (dans les 15 jours du premier manquement) : Contravention : Amende forfaitaire de 200 € (majorée à 450 € en cas de non-paiement dans les 45 jours). * Si le 2nd manquement est constaté plus de 15 jours après le 1er, l’amende reste à 135 €. /!\ Aucun placement en garde à vue possible
3ème manquement (dans les 30 jours du premier manquement): L’infraction devient un DELIT : vous encourez une peine de 6 mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende ( + TIG ) /!\ Placement en garde à vue possible + présentation à un Tribunal qui décidera de la sanction (éventuellement en comparution immédiate).
Un tel système interpelle immédiatement dans la mesure où il parait inconstitutionnel en raison du fait qu’il instaure de facto une récidive pour la première fois en matière contraventionnelle.
Mais surtout le principe de légalité des peines interdit à l’agent verbalisateur d’interpréter le texte pénal à sa guise. L’infraction doit être prévisible et donc le texte d’application stricte. Le rêve de l’Etat policier consistant en droit pénal à dilater le texte pour y faire entrer le maximum de contrevenants est interdit par notre Constitution.
PRECISIONS SUR LES POUVOIRS DES AGENTS DE POLICE :
Les agents verbalisateurs restent soumis au Code de procédure pénale. Le flou généré par cette situation de crise ne doit donc pas permettre pour autant des abus d’autorité. Petit rappel – meli melo
- S’agissant des déplacements pour des consultations médicales ne pouvant être assurées à distance ou différées : les agents de police ne peuvent pas vous sanctionner si vous refusez de communiquer le motif de votre rendez-vous médical.
- La durée limitée à une heure du déplacement à l’extérieur ne concerne que les déplacements liés à l’activité physique individuelle : l’attestation n’apportant pas de précision sur la durée des déplacements pour les autres motifs, vous ne pouvez pas être sanctionné si vos courses durent plus d’une heure par exemple.
- De même qu’il n’existe aucune limite kilométrique concernant les achats de premières nécessités. Ils peuvent donc être réalisés loin de son domicile.
- Les agents de police n’ont pas le pouvoir d’apprécier si vos achats sont de premières nécessités : le texte ne définit pas ce qui relève des achats de première nécessité. En conséquence, dès lors que vos achats ont été effectués dans les établissements autorisés, les agents de police ne peuvent pas vous sanctionner s’ils estiment que vos courses ne sont pas vitales.
- Dans la mesure où l’activité physique ne porte pas davantage de précision, le vélo n’est pas réservé aux déplacements professionnels. Cependant, rien ne l’indique dans le texte : Il est donc possible de contester ce motif de verbalisation.
- La fouille de votre sac ou de votre véhicule suppose en principe votre consentement, sauf réquisition du Procureur de la République. Autrement dit, sauf si l’agent de police vous indique agir sur réquisition du Procureur de la République, il ne peut pas fouiller votre sac de course, mais peut simplement vous demander d’ouvrir votre sac. Vous pouvez vous opposer à cette fouille.
Vous estimez être victime d’un abus.
PUIS-JE CONTESTER L’AMENDE ?
Si vous êtes verbalisé, vous disposez d’un délai de 45 jours pour former, par LRAR, une requête en exonération auprès du service indiqué dans l’avis de contravention. Cette requête doit être motivée et accompagnée de l’avis de contravention.
Passé ce délai de 45 jours, l’amende forfaitaire est majorée. Vous disposez alors d’un nouveau délai de 30 jours pour contester l’infraction en formant une réclamation motivée directement auprès du Ministère public.
Ces démarches peuvent être réalisées sur le site internet de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions.
PUIS-JE ETRE PLACE EN GARDE A VUE ?
Pour les deux premiers manquements, la réponse est NON. Un individu ne peut être placé en garde-à-vue pour une simple contravention.
Cependant, des garde-à-vue pour non-respect des règles de confinement ont été vues, sur le fondement d’un autre délit…, celui de mise en danger d’autrui. Habile mais il s’agit d’un détournement de procédure et du délit de mise en danger d’autrui.
Chaque sortie constituerait en soi une mise en danger de la vie d’autrui en période d’épidémie, or rappelons que les sorties sont autorisées…
Rappelons que seule l’infraction spécialement créée doit être appliquée. Sauf à démontrer un acte spécifique de mise en danger (cracher au visage, mordre quelqu’un…), l’absence d’autorisation de déplacement ne devrait pas suffire à caractériser le délit de mise en danger.
Ensuite, si le texte a prévu un délit qu’au 3ème manquement (commis dans un délai de 30 jours) cela signifie qu’il était exclu un placement en garde à vue, et un déféremment devant le Tribunal, pour les individus manquant à leurs obligations pour la première ou seconde fois.
Le Cabinet VALLIES AVOCAT est à votre disposition pour vous assister dans ces procédures et contester les abus que nous dénonçons déjà par ailleurs de longue date.
Ne nous résignons jamais à céder aveuglément nos libertés en échange d’un peu plus de sécurité illusoire. Ce sera le cas de la géolocalisation ou de la constatation des infractions par drone (déjà utilisé en matière routière). Qui acceptera demain qu’un drone survole sa serviette de plage ou pire sa fenêtre pour constater une infraction dans l’intimité de son domicile…? Aujourd’hui, il existe des garde-fous mais pour encore combien de temps ? Sacrifions nos libertés au prétexte d’une sécurité et il ne restera que la répression. Ni la sécurité. Ni la liberté.